MAGESI | Dimanche 22 décembre 2024 | ||
|
Le rôle de l'enseignant, ou plutôt les rôles de l'enseignant, sont nombreux et concernent à la fois la gestion de la classe sur un plan pédagogique large (gestion des interactions, de la discipline, etc.) et la gestion sur le plan des savoirs. Il ne s'agit ici que du rôle de l'enseignant dans sa tâche d'enseignement.
Deux des principales hypothèses sur l'enseignement et l'apprentissage sont rapidement présentées ci-dessous, avant de fixer la position prise dans cette ingénierie.Position dite de "transmission des savoirs"
De la première position, dite rapidement de transmission des savoirs, on peut retenir qu'elle consiste à présenter le savoir aux apprenants dans la version jugée à leur portée et suffisante pour savoir résoudre un certain nombre de problèmes et d'exercices. Les enseignements consistent donc en un cours magistral suivi d'exercices et de problèmes. Cette façon de faire est efficace dans beaucoup de domaines professionnels, elle permet aux sujets de régler des problèmes et exercices ressortant d'un domaine précis. Elle permet d'acquérir des techniques dans des types de tâches répertoriées et précédemment abordées. Elle est souvent une solution de repli pour des élèves en grande difficulté à qui on veut pouvoir "apprendre" quelques algorithmes (nombreuses recherches dans ce domaine). Mais les recherches ont largement prouvé qu'une telle présentation magistrale (ou même maïeutique sous forme de cours dialogué) d'un savoir non problématisé n'était pas garante d'un apprentissage efficace sur le moyen et le long terme, ou d'une possibilité de transfert pour la majorité des élèves.
Position dite "socio-constructiviste"
Une deuxième position, souvent appelée "socio-constructiviste", est née à la suite des travaux de Brousseau (Brousseau 1986 et Brousseau 1988) et consiste à faire construire le savoir par les élèves, en les plaçant dans des situations dites adidactiques (sans intervention de l'enseignant sur le plan du savoir en question), où le savoir visé est l'outil à construire pour résoudre, en groupe, la tâche. Les situations construites sont d'autant plus résistantes que le milieu, système antagoniste de l'élève, permet une validation indépendante de l'intervention de l'enseignant. Cette position a montré ses richesses et ses limites. Richesses pour l'ancrage du savoir, pour le "sens" donné par l'élève au savoir, pour les possibilités de débat et d'argumentation ; limites car de telles situations ne sont pas faciles à construire pour l'ensemble des concepts, sont coûteuses en temps et très difficiles à mener dans des "classes ordinaires" où les synthèses deviennent souvent des transmissions de savoirs pour les élèves les plus en difficulté.
Position d'étayage
Une troisième position a été adoptée, intermédiaire entre la position ci-dessus et la position exposée par Vygotski (Vygotski 1985) et Bruner (Bruner 1983). Le fait de donner aux élèves une tâche un peu difficile qui leur pose problème a été conservé. Cela les motive, leur montre l'origine et/ou l'utilité des savoirs et savoir-faire qui leur sont présentés, leur donne un ancrage de ces savoirs. Le fait de mettre les élèves en activité et de permettre des échanges a également été conservé. Mais le rôle de l'enseignant a été envisagé comme allant au-delà de celui d'institutionnaliser. Il a comme rôle de découper, avec les élèves, une tâche complexe en tâches plus élémentaires dont la résolution est dans la zone de proche développement (Vygotski). Il assume une aide auprès des élèves dans les travaux de groupes, dans les moments collectifs de synthèse et dans les moments individuels. Il peut (il doit) reformuler et/ou corriger l'expression des élèves, trop imprécise, trop ambiguë ; sortir les élèves d'une impasse et leur apporter de nouvelles idées, des outils, des techniques ; apporter une évaluation lorsque le milieu ne peut apporter de validation interne. Dans cette optique, le milieu (dans lequel est inclus l'enseignant) doit être davantage un allié qu'un antagoniste. L' "art" consiste à laisser le temps aux élèves de s'emparer du problème et de cerner les difficultés, et peut-être le temps pour certains de commencer une résolution, tout en évitant une perte de temps et/ou un découragement après trop d'essais infructueux. Le temps ainsi récupéré permet de reprendre la tâche dans d'autres contextes et/ou de faire des exercices. Didacticiens et enseignants savent que, de toute façon, l'apprentissage ne coïncide pas avec l'enseignement.
L'hypothèse est donc celle d'une construction de connaissances par l'élève avec un étayage important du maître.
C'est pour ces raisons que les fiches de préparation sont présentées avec les tâches à donner aux élèves et les bilans auxquels il est souhaitable d'arriver, mais en indiquant aussi dans des commentaires les difficultés possibles/probables des élèves et les aides à leur apporter. Il est cependant facile à l'enseignant de limiter, s'il le désire, ses interventions dans la phase de travail des élèves et de se rapprocher de la deuxième position.
Premier choix : appui sur les concepts quotidiens
Le choix a été fait d'un appui sur les concepts quotidiens utilisés dans des activités pratiques. Il s'agit de donner aux élèves un premier contact avec les concepts scientifiques évoqués dans la partie "Savoir". Cependant l'adhésion à la conception exposée par Vygotski (Vygotski 1985) n'est pas complète : le concept scientifique (donné de façon explicite et facilement énonçable par l'élève) est "saturé" par le concept quotidien, qui en retour est structuré par le concept scientifique. Il est vrai que le concept scientifique est saturé, précédé par des concepts quotidiens. Mais d'une part il n'est pas donné aux élèves, à l'école élémentaire en France en tout cas, avec une définition claire et explicite comme le laisse penser Vygotski. D'autre part, il n'est pas sûr qu'il ait une quelconque influence sur les concepts quotidiens qui peuvent très bien coexister en l'état, à côté du concept scientifique. Autre idée remise en question : le concept scientifique ne se forme pas seulement par généralisations successives. A partir de concepts quotidiens sur lesquels les élèves prennent appui, il leur est demandé de faire au contraire un travail de tri, de spécification, de restriction du champ sémantique dans le domaine spécifique des mathématiques.
Par exemple, en s'appuyant sur la connaissance d'un "trait" limité, tracé à la règle, les élèves dégageont petit à petit le concept de segment, limité par deux points, possédant un milieu, partie d'une droite, etc. A aucun moment l'enseignant ne leur donnera une définition de ce qu'est un segment.
Deuxième choix : variation des situations
Le choix a également été fait de jouer sur la variation des situations (Hoyles et Noss 1996). En effet, vu le type d'approche choisi, la première émergence du concept scientifique est encore très largement marquée par le contexte dans lequel celui-ci est apparu. Le choix a donc été fait de présenter le même concept (de carré par exemple) dans des situations assez différentes pour que les objets et propriétés géométriques soient "abstraits" indépendamment de leur représentation.
Dans les séquences de géométrie, la taille de l'espace de travail et les instruments varient, espérant ainsi un meilleur passage de l'espace sensible à l'espace géométrique et une meilleure compréhension des objets géométriques et des relations fondamentales entre objets géométriques. Ceci est repris dans la partie "Choix spécifiques".
Troisième choix : variation des registres.
Un souci permanent a été d'utiliser plusieurs registres : ici le registre figural des dessins et le registre de la langue. L'espoir est d'obtenir une meilleure compréhension du concept en faisant passer les élèves d'un registre à un autre (Duval 1996 et Duval 1995). Le passage du registre figural au registre de la langue se fait dans la description de figures simples et de leurs propriétés, dans le fait de mettre des légendes à un "film" de construction. Le passage du registre de la langue (orale ou écrite) au registre figural se fait dans l'exécution de consignes et de programmes de construction.Du registre figural les élèves passent d'abord à une expression orale en langue quotidienne. Il s'agit de mettre en place un lexique et l'expression de syntagmes relevant du domaine géométrique, comme le demandent les Programmes Officiels. Le passage de l'oral à l'écrit favorise le passage de la langue quotidienne à la langue de spécialité. Il se fait dans les bilans et synthèses menés collectivement où le lexique et les expressions syntaxiques sont alors fixées ("on n'écrit pas comme on parle"). L'écriture par les élèves eux-mêmes de programmes de construction nous paraît prématuré, à un stade où l'écrit, en lui-même, est encore un obstacle pour beaucoup d'élèves. Les écrits conservés sont indispensables pour soutenir la mémoire didactique : à court terme dans une même séance, et à moyen terme pour retrouver les résultats d'une séance à l'autre.
Comme cela est écrit dans la partie Savoir, une étude des objets de base n'est pas entreprise en elle-même, et les objets sont seulement nommés et employés de façon fonctionnelle. En CM, les séquences traitent seulement des objets construits que sont le milieu, le cercle et les figures particulières classiques, des relations de base que sont l'isométrie et la perpendicularité, des relations construites que sont le parallélisme et la symétrie.
La séquentialisation proposée s'appuie sur l'étude des relations, et choisit de répartir cette étude entre les deux années de CM1 et CM2.CM1
Les objets de base nommés et utilisés au CM1 sont le point, la droite, le segment.
L'hypothèse est faite que la relation de base "alignement" avait déjà été abordée au cycle 2 et ont été envisagées pour le CM1 l'étude des deux relations de base que sont l'isométrie et la perpendicularité.
Ce qui permet alors d'aborder les objets construits que sont le milieu, le cercle, et des quadrilatères (carré, rectangle, losange) avec leurs propriétés relatives à l'isométrie et à la perpendicularité.
Le choix a été fait de travailler l'isométrie à travers la plupart des situations ne faisant intervenir que les grandeurs (cf. étude des relations) :
- reconnaître des segments de même longueur
- construire des segments de même longueur, de façon isolée ou dans des figures telles que carrés, losanges, cercle
- chercher le milieu d'un segment
- construire un segment x fois plus long.Le choix a été fait de travailler la perpendicularité
- à travers des situations présentant toutes les facettes de l'angle droit (sauf celle d'angle de rotation, cf. étude des relations) : reconnaître, reproduire, construire des angles droits avec deux demi-droites, dans une figure, comme secteur angulaire
- à travers des situations de reconnaissance et de reproduction de droites perpendiculaires dans le cas très particulier de l'horizontale et de la verticale et dans les autres cas.Le "prétexte" a été la construction d'un carré d'une part, la construction d'un losange dont une des diagonales vaut le double de l'autre d'autre part. Les séquences correspondantes sont dans la rubrique Faire : Séquence Carré et Séquence Losange 2-1.
Ce qui précède peut se présenter sous forme de schémas :
CM2
Dans l'année de CM2, est ajouté aux objets de base rencontrés au CM1 l'objet angle.Après les deux relations de base vues en CM1, sont abordées les relations construites de parallélisme et de symétrie. Ceci permettra en retour de compléter l'étude des quadrilatères rencontrés en CM1 et de compléter avec d'autres quadrilatères dont le parallélogramme et le cerf-volant.
Le choix a été fait de présenter d'abord le parallélisme des droites
- en faisant construire deux droites équidistantes
- puis deux droites perpendiculaires à la même troisième
- en étudiant des parallélogrammes, en les présentant comme l'intersection de deux couples de droites parallèles.L'hypothèse qui a présidé à ce choix est que l'aspect "axe de symétrie" a déjà été exploré au CE2 avec des manipulations (pliage, papier calque, gabarit). En CM2, le choix a été fait de commencer à travailler la symétrie en faisant compléter une figure par symétrie axiale. Ceci est réalisé dans des espaces non quadrillés, en faisant intervenir les reports d'angle et l'isométrie ; les élèves peuvent alors découvrir le lien entre deux points symétriques. Enfin sur l'écran de l'ordinateur, le champ d'expériences des élèves sur cette transformation est étendu (cf. document d'application des programmes de l'école primaire).
Les séquences correspondantes sont dans la rubrique Faire : Séquence Parallélogramme et Séquence Symétrie.
Ce qui précède peut être présenté sous forme de deux schémas :
2024 MAGESI - C.Rolet |